Journalisme embarqué

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Un journaliste embarqué photographie des soldats américains à Pana en Afghanistan.

Le journalisme embarqué, également appelé journalisme intégré au Canada[1] et parfois désigné par l'anglicisme journalisme embedded[1]) est une forme de journalisme dans laquelle un reporter est pris en charge au sein d'une unité militaire et quelquefois lui-même en tenue militaire dans une zone de conflit. L'expression est parfois utilisée pour des reportages réalisés dans d'autres cadres non militaires, mais avec des techniques comparables d'incorporation des journalistes dans un groupe ou un milieu donné.

Caractéristiques

Cette pratique s'est généralisée depuis la guerre d'Irak en 2003, et c'est d'ailleurs dans ce cadre que le service de presse de l’armée américaine a inventé l'expression[2],[3]. Si le terme est donc récent, la pratique est bien plus ancienne et remonte aux débuts du reportage de guerre et particulièrement à la guerre russo-japonaise (1904-1905) : ainsi quelques années plus tard, l'écrivain Gaston Chérau missionné par Le Matin pour couvrir la guerre italo-turque en Tripolitaine (1911-1912) réalise ses reportages - photographique et écrit - dans le sillage de l'armée italienne qui encadre strictement le travail des reporters de guerre aussi bien italiens que ceux originaires des grandes puissances européennes[4].

Pour Loïc Berrou, responsable du service international de France 24 et ancien correspondant de guerre, les journalistes n'ont parfois « pas d'autre choix que partir avec l'armée pour couvrir un conflit » et doivent parfois se plier à ses conditions[5].

Les journalistes portent un gilet qui est de préférence proche de la couleur dominante des uniformes des soldats afin de se fondre dans la troupe et de ne pas être une cible pour l'ennemi.

Pendant l'opération Serval au Mali, le colonel Burkhard de l'état major de l'armée française indiquait que les militaires français avaient embarqué près de 400 journalistes provenant de 180 médias différents[6].

Invasion de l'Irak de 2003

L’invasion de l’Irak de 2003 est considérée comme étant un des plus grands évènements de journalisme embarqué moderne et c’est d’ailleurs durant cette guerre que l’expression « journalisme embarqué » aurait été inventé par le service de presse de l’armée américaine. Durant la phase initiale de la Guerre d’Irak enclenchée par les États-Unis, jusqu’à 755 journalistes étaient intégrés aux unités militaires de l’armée américaine afin de rapporter de l’information sur la guerre aux citoyens américains. Durant cette guerre, l’embarquement des journalistes était au centre de la stratégie de dominance de l’information mise en place par les États-Unis et changera la façon de faire les guerres post-modernes[7]. Une des majeures utilisations du journalisme embarqué par les Américains durant cette guerre était aussi de contrer la propagande du côté de l’ennemi. Le colonel Mike Birmingham, responsable des affaires publiques de la 3e division, explique que la présence des journalistes avec les unités militaires aide à contrer la propagande irakienne[7]. Les États-Unis vont donc énormément utiliser cette forme de journalisme durant cette guerre et créer une guerre qui est principalement basée sur l’information et son contrôle.

Controverse

Le journalisme embarqué est une forme de journalisme recevant plusieurs critiques de la part de journalistes et d’autres critiques d’être un outil de propagande, de ne pas être éthique et d’être à l’encontre de l’intégrité journalistique. En effet, plusieurs critiques que le journalisme embarqué crée une fausse perception de l’état d’un certain pays[8] en ne montrant que les points de vue des soldats envoyés dans ce pays et non celui des civils qui auraient une meilleure idée de l’état dans lequel se situe le pays dans lequel ils vivent. Ces critiques mènent à des accusations de propagande envers ces journalistes embarqués et les gouvernements qui les embauchent. Charles Lynch un journaliste assigné à une unité britannique durant la Seconde Guerre mondiale explique « It’s humiliating to look back at what we wrote during the war. It was crap. […] We were a propaganda arm for our governments. »[9] Les journalistes eux-mêmes se sentent donc victimes de ce système qui les force à rapporter des nouvelles pouvant être considérées comme propagandistes. Certains critiques aussi que l’armée a un trop grand contrôle sur ces journalistes embarqués ce qui empêche les journalistes de pouvoir librement reporter ce qu’ils souhaitent. Chelsea Manning critique aussi le journalisme embarqué en disant que les journalistes embarqués dans des unités militaires américaines durant l’invasion de l’Irak en 2003 étaient vérifiés afin d’écarter ceux ayant une chance d’écrire des articles d’opinion qui pourraient négativement affecter la perception du public de l’armée américaine et que même une fois sur le terrain, les journalistes craignaient de partager leur opinion pour ne pas perdre leur place dans l’unité à laquelle ils étaient intégrés[10]. Le public en vient aussi à critiquer les dangers dans lesquels sont mis ces journalistes embarqués durant ces missions militaires après la mort de plusieurs journalistes sur le terrain.

Dangers physiques

Durant une guerre, la sécurité n’est jamais garantie, mais les journalistes intégrés dans les unités militaires n’ont souvent pas le même entrainement intensif que les soldats qui les entourent. Cela peut créer certains dangers autant pour les journalistes que pour l’unité dans laquelle ils sont intégrés. Plusieurs journalistes ont été blessés et certains sont même morts durant leur séjour dans les unités militaires. En 2009, 2 journalistes de Associated Press embarqués dans une unité militaire américaine en Afghanistan du Sud ont été blessés par des bombes routières[11]. Cette mise en danger des journalistes est répétée dans plusieurs pays et éloigne les journalistes de leur but informationnel. De plus, n’ayant pas d’entrainement militaire approfondi, ces journalistes peuvent potentiellement mettre en danger certaines missions auxquels les unités militaires doivent participer. Les soldats devront donc potentiellement faire le choix entre l’intégrité de la mission et la sécurité des journalistes ce qui mène à encore plus de blessures et de morts.

Utilisation non-militaire

Le terme « journalisme embarqué » est aussi utilisé pour décrire des opérations où des journalistes sont intégrés à des groupes non militaires. Cette incorporation de journaliste va servir, tout comme à son utilisation militaire, à mettre des journalistes sur un milieu donné et les incorporer à des unités afin de pouvoir rapporter de l’information interne sur ce groupe et ses activités. Avec le traitement parfois violent qu’infligent certains policiers à des journalistes durant des manifestations[12], certain propose l’incorporation directe de journalistes dans les unités policières afin de rapporter l’information à partir de ces groupes au lieu de s’incorporer aux militants et de subir les mêmes méthodes de répression qui sont utilisées par la police sur ceux-ci.

Notes et références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Embedded journalism » (voir la liste des auteurs).
  1. a et b Aimé-Jules Bizimana, « Intégrer pour mieux surveiller les journalistes de guerre », Les Cahiers du journalisme, nos 22/23,‎ , p. 181-198 (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Audrey Gillan, « What being embedded now means », The Guardian,‎ (lire en ligne).
  3. (en) Robin Geiß, « The Protection of Journalists in Armed Conflicts », German Yearbook of International Law (en), vol. 51,‎ , p. 289–319 [308].
  4. Son archive de guerre constituée de plus de 200 photographies, d'une trentaine d'articles et des lettres à son épouse est un rare témoignage des origines du journalisme de guerre. Pierre Schill, Réveiller l'archive d'une guerre coloniale. Photographies et écrits de Gaston Chérau, correspondant de guerre lors du conflit italo-turc pour la Libye (1911-1912), Créaphis, 2018 (ISBN 9782354281410).
  5. AFP, « Roméo Langlois : vif débat autour du "journalisme embarqué" », CNews, .
  6. Amaury de Rochegonde, « La drôle de guerre sans images », Stratégies,‎ (lire en ligne).
  7. a et b (en) Aimé-Jules Bizimana, The Embedding Apparatus: Media Surveillance during the Iraq War, vol. 1, New York, Peter Lang, coll. « American Politics and Global Affairs », .
  8. (en) Yunya Song et Chin-Chuan Lee, « Embedded Journalism: Constructing Romanticized Images of China by Us Journalists in the 1970s », Chinese Journal of communication,‎ (lire en ligne)
  9. (en) Phillip Knightley, The First Casualty, The John Hopkins University Press, , p. 364
  10. (en) Chelsea Manning, « Opinion – Chelsea Manning on the U.S. Military and Media Freedom », New York Times,‎ (lire en ligne)
  11. (en) « Afghanistan Roadside Bomb Wounds Two Journalists. », The Guardian,‎ 12 aôut 2009 (lire en ligne)
  12. (en) Paul Fahri et Izadi Elahe, « Journalists Are Reexamining Their Reliance on a Longtime Source: The Police », Washington Post,‎ (lire en ligne)

Annexes

Articles connexes

Liens externes

https://cahiersdujournalisme.org/V2N1/CaJ-2.1-D013.html

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